ENVIRONNEMENT

Atolls à protéger !

8 novembre 2015

Avec l’approche de la COP 21, on parle réchauffement climatique, acidification, disparition des espèces, montée des eaux et cyclones. Qu’en est-il sur des îles dont l’altitude moyenne est 2 mètres ? Sur ces atolls du bout du monde qui sont gérés comme des cantons picards ou provençaux puisque la France est la même pour tous...

Rappelons tout d’abord que les Polynésiens ont créé la plus grande civilisation maritime du monde, un triangle de 8000 km de côté (Paris-Pékin) qui s’étend d’Hawaï au nord, à la Nouvelle-Zélande au sud et l’île de Pâques. La Polynésie française s’étend sur une surface équivalente à l’Europe où toutes les liaisons se faisaient bien sûr par bateau, les fameuses pirogues doubles capables d’affronter un océan Pacifique qui ne l’est pas tant que cela.

Equilibre subtil

Dans les atolls des Tuamotu, ces îles basses dont l’altitude oscille entre 2 et 5 m, les Polynésiens avaient mis au point un mode de vie parfaitement adapté, capable de survivre malgré les cyclones, un équilibre entre la nature et les hommes. Arrivés avec des cocotiers, des poules, des cochons et des chiens, ils avaient développé les plantes locales, creusant des "fosses à culture" pour les taros par exemple. Et ils pêchaient les poissons et les coquillages du lagon et faisaient sécher des bénitiers en prévision des disettes. Les Espagnols, les premiers navigateurs européens, furent étonnés par ces colosses maitres des mer et plus tard Bougainville admira le "courage" de ce peuple capable de vivre sur ces îles battues par des tempêtes, au sol si pauvre.

La modernisation

Puis les Occidentaux sont venus et avec eux la christianisation et l’irrépressible besoin de moderniser, apanage de la France. Avec cette assurance des "civilisés" par rapport à un peuple à moitié nu, ils ont imposé leurs idées et leurs normes. Plus question d’habiter des maisons en végétaux tressés, palmes et pandanus, on allait construire des maisons en dur, à l’usage moins adaptées aux typhons. Plus question de vivoter de plantes vivrières et de pêche, il fallait planter massivement des cocotiers, vendre le coprah et acheter du riz. Bien sûr, les Polynésiens ont adoré le corned-beef et le whisky, se faisant de formidables "bringues" au Cutty Sark !

L’argent de l’atome

A partir de 1963 et la création du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), les essais atomiques, l’argent s’est mis à pleuvoir sur les Tuamotu. On a électrifié les villages, construit des aéroports et des routes sur des digues le long des atolls pour transformer ce peuple navigateurs en automobilistes et cyclistes. Or on ne bétonne pas un écosystème comme le récif corallien sans provoquer quelques problèmes et ce qui est arrivé à l’atoll d’Hikueru en 1994 est un bel exemple : le lagon est devenu couleur chocolat. N’étant plus reliée à l’océan à cause des digues, l’eau mal oxygénée s’est acidifiée transformant le lagon cristallin en lagune nauséabonde. Le maire a décidé de dynamiter la route pour rouvrir les chenaux et vidanger le lagon qui a fini par retrouver sa faune... Ajoutons qu’Hikueru culmine à 2 m ! En cas de montée des eaux, cela va être problématique.

Le problème de l’eau

Aujourd’hui, avant la fameuse COP 21, que dire ? Face au changement climatique, le récif corallien est en grand danger du fait de l’activité humaine. Les bénitiers sont de plus en plus petits, les nacres perlières sont menacées aussi et on extrait le sable des lagons... Le "développement" a des conséquences catastrophiques en plus d’être très coûteux. Comme toujours, la France veut gérer ses possessions lointaines comme des municipalités de Bretagne ou de Picardie, même normes européennes dénuées de sens dans cet environnement. Il faut de l’électricité et de l’eau dans les maisons mais comment faire de l’eau dans ces atolls sans rivière ni source ? Désaliniser de la mer, ce qui demande de l’électricité produite par des générateurs au pétrole. La plupart des Paumotu [1] n’ en ont pas les moyens. Autrefois, ils savaient garder l’eau et l’utiliser sagement, potable ou non, saumâtre ou non.

Logique métro

C’est le modèle même de développement qui met ces atolls et leur population en danger. Les jeunes veulent des motos, des McDo, rêvent de Hawaï et ce qui pousse le mieux, c’est le paka (cannabis) ! Bien sûr, la Polynésie française offre des services sociaux supérieurs aux îles indépendantes comme les îles Cook ou Kiribati [2]. Mais tout est centralisé : on ne nait plus, on n’étudie plus et on ne meurt plus au Tuamotu. Tout se fait à Papeete où a été bâti un hôpital pharaonnique. Comme toute grossesse doit être déclarée, les femmes partent parfois à Tahiti bien avant le terme et les bébés ne naissent plus sur les atolls. Sauf ceux des greffeurs de perles chinois qui vivent en marge et ne déclarent rien du tout. Les enfants sont séparés de leur famille car il y a trop peu de collège sur place et en cas de problèmes de santé, on est évacué en hélicoptère ou en avion sur Papeete et c’est là aussi que l’on meurt.
La logique métropolitaine a ses limites.

[1Habitants des Tuamotu et langue parlée

[2Les eaux territoriales de Kiribati et de sa trentaine d’îles ont plus ou moins la surface des Etats-Unis

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